LOto-Rhino-Laryngologie sest constituée vers les années 1870, lorsque des otologistes et des laryngologistes constatèrent quils avaient recours aux mêmes moyens déclairage. En 1875 apparaissait la première revue dORL en France, les Annales des Maladies de l'oreille et du Larynx, (otoscopie, laryngoscopie, rhinoscopie). Une Société Française dOtologie et de Laryngologie fut créée en 1882, une des toutes premières sinon la première des sociétés françaises de spécialité. Cest alors quapparurent en fait les véritables ORL polyvalents. Ainsi, lOto-Rhino-Laryngologie est probablement la seule discipline où la spécialité naquit avant les spécialistes. Dans les pays de langue allemande, les services hospitaliers furent pendant plusieurs décennies consacrés uniquement à lotologie ou à la rhinolaryngologie. En France, la création de services assurant lensemble de lORL, ou au moins de consultations, se fit beaucoup plus tôt, dabord en quelques villes de province dont Nantes.
En 1885, le Docteur G. Gouraud demandait à la Commission administrative ( le Conseil dadministration de lépoque) lautorisation de « faire une chirurgie gratuite pour les affections de la gorge, des oreilles et des fosses nasales à la salle dophtalmologie , le mercredi et le vendredi» (fig.1). En réponse à la demande davis des médecins par les Administrateurs, le médecin-chef et le chirurgien chef des Hospices de Nantes écrivaient aux Administrateurs, le 9 décembre 1885, quaprès avoir pris lavis de leurs collègues, « il y avait avantage pour les élèves » à accéder à la demande du Docteur Gouraud (fig.2) . LORL était ainsi la deuxième spécialité reconnue à Nantes, après lophtalmologie qui bénéficiait depuis 1880 dun service de clinique confié à lÉcole de médecine, à linstar dautres villes comme Lyon , Bordeaux ou Montpellier.
Pendant plus de vingt ans, lactivité hospitalière ORL fut effectuée gratuitement par le spécialiste, tout comme étaient gratuites les consultations et les interventions. Lhôpital était réservé aux indigents. LAssociation syndicale des médecins de Loire Inférieure nhésitait pas à le rappeler et à intervenir auprès du Maire, en 1893, pour « prendre des mesures énergiques pour empêcher que des gens aisés, et même riches, se fassent soigner gratuitement dans les hôpitaux
destinés aux malades indigents à lexclusion de tout autre catégorie de malades . Donner une place à un malade qui peut se faire soigner chez lui, cest en priver lindigent qui a droit à ce lit indûment occupé » (fig.3 et 4). Aussi la part prépondérante de la spécialité était réalisée en ville
En, 1899, le Dr Gouraud présentait sa démission fig.5) . Il eut pour successeur le Dr Victor Texier qui laidait et le remplaçait depuis plusieurs années, à la satisfaction du corps médical (fig.6 et 7). À cette occasion, la Commission administrative avait alors décidé que, pour les « services spéciaux », elle choisirait les chefs de service sans concours mais quils nauraient pas droit au titre de médecin ou chirurgien des hôpitaux, obtenu seulement après concours. Pour les services de médecine et de chirurgie, les titulaires étaient choisis par concours et bénéficiaient dune rémunération annuelle. Les heureux lauréats prenaient le titre de « suppléant » , faisaient office dadjoint, et succédaient au chef de service. Le concours de médecin ou chirurgien suppléant était donc le sésame pour la titularisation hospitalière. Si la spécialisation des médecins titulaires était reconnue, il nen était pas de même pour un corps de spécialistes recrutés sur des compétences spécifiques. La Commission administrative hésitait à créer un tel corps qui risquait, à ses yeux, de gêner une spécialisation tardive de médecins ou chirurgiens déjà titularisés. Sur sa demande, ladministration des Hospices de Nantes fit en 1907 une enquête auprès dHôpitaux de plusieurs villes, notamment Angers, Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulouse et Lille, pour savoir comment étaient organisées les spécialités dophtalmologie, de laryngologie, de radiologie, et de chirurgie dentaire fig.8). Pour lORL, on y apprend quil nexistait alors quune Clinique ORL, à Bordeaux, où avait été créé en 1891 le premier enseignement officiel de l'ORL en France avec un "Chargé de cours" d'ORL ( fig.9). Hormis Bordeaux, il ny avait pas de service ORL autonome. Dans certains hôpitaux, des consultations ou des services annexes étaient rattachés à des services de médecine ou de chirurgie. À Paris, quelques médecins et chirurgiens des hôpitaux sétaient spécialisés dans une des branches de lORL et avaient ouvert des consultations officieuses. Il avait fallu attendre 1895 pour que lAssistance publique donne l'estampille officielle à la "Consultation des maladies du larynx et du nez de l'hôpital Lariboisière". En novembre 1897, un arrêté reconnaissait la spécificité ORL du service appelé désormais "Clinique des maladies du larynx, du nez et des oreilles". En 1899, lAssistance publique créait le corps des ORL des hôpitaux et donnait ce titre à un médecin des hôpitaux et à un chirurgien, professeur de chirurgie à la Faculté.
Lenquête nantaise de 1907 révélait que lactivité ORL était exercée essentiellement par des ORL non titulaires, sans rétribution ou avec des émoluments très inférieurs à ceux des médecins et chirurgiens titulaires. Malgré le résultat de cette enquête, grâce à lintervention du Conseil de santé représentant le corps médical titulaire, fut reconnu à Nantes un corps de spécialistes « en tous points assimilés aux chirurgiens et médecins des hôpitaux » ( fig.10 et 11). La Commission administrative décida de titulariser officiellement le chef de service dORL et celui délectrothérapie et de radiographie, sans avoir à passer de concours, leur compétence étant largement reconnue. Ils furent nommés avec les mêmes émoluments et prérogatives que les médecins et chirurgiens nommés au concours. En particulier, ils avaient droit à la collaboration dun suppléant nommé au concours. La seule différence était quils ne pouvaient être chargés que des services de leur spécialité, ni faire partie des concours pour les suppléants de médecine et de chirurgie. Dès 1908, un concours de chirurgien ORL suppléant (fig.12) fut organisé, brillamment remporté par Louis Levesque. Si les interrogations du concours devaient porter sur des sujets de la spécialité, il nétait pas nécessaire, pour sinscrire, de faire état de la moindre compétence dans le domaine de la spécialité.
Les Docteurs Texier et Lévesque, associés en ville dans une clinique place Canclaux, développèrent lactivité hospitalière dans des locaux partagés avec lophtalmologie. En 1919, le Docteur Texier se plaignait de navoir ni externe ni interne malgré une grosse activité. À lappui de sa demande, il faisait état dune progression dactivité avec un nombre de nouveaux malades passé de 1029 en 1903 à 2302 en 1919 (fig14). Il notait quen 1919, il avait effectué 70 « graves opérations sous anesthésie générale », et plus de 650 sur le pharynx (végétations et amygdales), et 200 interventions sur le nez. Il écrivait : « jinsiste en terminant sur le grave danger quil y a à faire donner le chloroforme et le chlorure déthyle par des élèves volontaires quon ne connaît pas et qui ne peuvent pas avoir suffisamment lexpérience de lanesthésie générale ». En 1921, il obtenait linstallation dun appareil de stérilisation dans ses deux salles dopération. Outre son activité hospitalière, Victor Texier enseignait la spécialité, dabord officieusement. Dès 1896, Pr Malherbe, directeur de lÉcole de médecine de Nantes, lautorisait à faire des conférences de rhinologie, otologie et laryngologie avec pour but : de pouvoir rendre service dans le cours de la pratique médicale ». Lenseignement de lORL prendra ultérieurement une teinte plus officielle avec désignation ministérielle dun « chargé de cours de clinique annexe dOto-rhino-laryngologie ».
À la suite du décès du docteur Texier en 1932, un concours de suppléant fut ouvert qui permit la nomination du Docteur Julien Viel. En 1935, louverture dun autre concours de suppléant après la disparition du Docteur Lévesque permit la nomination du Docteur Fernand Baron. Si Victor Texier développa pendant plus de trente ans lORL dans les Hospices de Nantes, Fernand baron y exerça pendant quarante ans puisquil prit sa retraite de Professeur titulaire de la Chaire dORL et chirurgie cervicofaciale en 1975. Il participa activement à la grande mutation de la discipline, et notamment dans le domaine de la chirurgie cancérologique ORL pour laquelle il fut un pionnier dans lOuest. Pendant ces quarante ans, lhôpital passa du statut détablissement réservé aux indigents à celui de Centre Hospitalo-Universitaire. Il développa la chirurgie cancérologique ORL et fut ainsi un pionnier de cette chirurgie dans louest. De 1948 à 1958, Fernand Baron a été élu président de la Commission consultatitive. Il fut parmi les premiers nantais qui optèrent pour le nouveau système hospitalo-universitaire temps-plein qui venait dêtre créé, dès 1962, et fut nommé titulaire de la chaire dORL et chirurgie cervicofaciale en 1966. Il créa peu après lécole dorthophonie de Nantes.
Ainsi, dès sa création, la spécialité oto-rhino-laryngologique fut non seulement bien accueillie dans les hôpitaux de Nantes mais elle y trouva très tôt un terrain favorable au développement de son double aspect médical et chirurgical. LORL était considéré à Nantes comme un « chirurgien spécialiste ». Ce fait mérite dêtre souligné car tel ne fut pas le cas dans toutes les villes de France. Dans certaines villes, les ORL rencontrèrent une hostilité plus ou moins ouverte au développement officiel de leur spécialité dans lhôpital, provenant le plus souvent de « ténors » locaux de chirurgie générale qui voyaient dun mauvais il une partie du territoire chirurgical leur échapper. Certains spécialistes furent ainsi hébergés par des services de médecine, notamment en neurologie ou en dermatologie, pour assurer des consultations.
Nantes eut la particularité davoir en ville, entre les deux guerres, un otologiste de réputation mondiale, Maurice Sourdille. Sa célébrité était due à la mise au point de la fenestration, première intervention permettant daméliorer laudition dans lotospongiose. Il sintéressait aussi à la pathologie sinusienne et publia en 1926 plusieurs observations dablation de tumeur de lhypophyse par voie nasale . On lui doit aussi le premier véritable microscope opératoire. Il fut nommé professeur suppléant des chaires de pathologie et clinique chirurgicale de lÉcole de médecine de Nantes en 1922. En 1932, il devint professeur titulaire de pathologie externe et de médecine opératoire, ce qui lui permit de faire ses travaux expérimentaux dans de bonnes conditions. Il exerçait lORL en ville dans la clinique quil avait créée avec son frère Gilbert, titulaire de la chaire dophtalmologie. Il termina sa carrière à Strasbourg où il fut nommé, à la fin de la guerre, professeur titulaire de la chaire dORL.
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